Rarement les libraires auront suscité autant d’attention médiatique qu’au temps du confinement, c’est-à-dire au moment même où elles étaient fermées… Si elle a mis en péril la santé économique de bon nombre de leurs très petites entreprises d’un genre particulier, cette trève imposée fut aussi pour certains libraires l’occasion de prendre le temps de réfléchir aux problèmes récurrents qu’ils rencontrent et, mieux encore, au-delà du diagnostic posé depuis fort longtemps, d’esquisser des solutions. Non pas seuls mais en dialogue étroit, ce qui est très rare, avec d’autres acteurs de ce qu’on appelle « la chaîne du livre », à commencer par les éditeurs indépendants. Geste historique, cette semaine libraires et éditeurs ont joint leurs efforts en publiant un manifeste intitulé « Pas de date de péremption pour le livre » et deux tribunes qui se rejoignent sur le site du Monde. À l’initiative côté éditeurs, Benoît Virot, fondateur du Nouvel Attila, et côté libraires le réseau Librairies du Sud, notamment son président Eric Dumas (Lettres vives, à Tarascon) et l’une des ses collègues Marie-Aude Ruault (La Carline, à Forcalquier). Nous leur avons proposé de prolonger l’échange dans les colonnes d’AOC. SB & CM.
Des éditeurs et des libraires, dont vous faites partie, viennent de lancer une vaste initiative commune sous le titre « Pas de date de péremption pour le livre ». Cela ne s’était vraiment jamais vu depuis la pétition lancée dès 1977 par le directeur des éditions de Minuit, Jérôme Lindon, pour un prix unique ?
Benoît Virot : Nous avons vérifié auprès de pas mal d’historiens et de vieux routiers du livre, nous n’avons pas trouvé d’équivalent. Même au plus fort du démantèlement de Vivendi (VUP), ou de la loi sur le droit de prêt en bibliothèque, où l’on avait surtout entendu des éditeurs… ou plus récemment dans l’affaire Marco Koskas (un auteur auto-édité sélectionné pour le Prix Renaudot), pour laquelle seuls des libraires avaient réagi. ll faut dire qu’en dehors du Syndicat national de l’édition (SNE), il y a peu d’instances représentatives d’éditeurs, et que les relations entre les deux syndicats géants que sont le Syndicat de la librairie française (SLF) et le SNE se cantonnent à une archaïque commission des usages commerciaux qui doit avancer d’un pas tous les 25 ans.
Le séisme qui s’est produit durant ces deux mois m’a rappelé par la densité de ses réflexions l’onde de choc créée par les premières Rencontres nationales de la librairie, en 2011, qui ont donné un gros coup de projecteur sur le mal-être des libraires. Plus de dix ans après le dernier toilettage conséquent des usages commerciaux en 2000 quand même ! À chaque fois, on fait semblant de redécouvrir ce problème : des libraires submergés, qui passent la moitié de leur temps dans des grilles d’offices ou des cartons de retours, avec un taux de rentabilité fantomatique, sans rien remettre en cause qu’un demi pourcent ici ou une échéance de paiement là… Pendant ce temps, on laisse tout autant dans l’ombre la précarité de beaucoup d’autres maillons comme les auteurs, ou encore les éditeurs free lance ou indépendants. Le livre a beau être le premier secteur culturel de ce pays, il ne fait pas vivre correctement – je vais donner un « chiffre » à tâtons, plus de 30 à 40 000 personnes (13 000 salariés de l’édition, 13 000 salariés de la librairie, 4 000 auteurs, il faudrait ajouter les salariés de l’imprimerie et les quelques free lance qui arrivent à se rémunérer décemment). Tous dans le même bateau : à court comme à long terme, nos intérêts sont convergents.
Eric Dumas : Nous réfléchissons et travaillons beaucoup avec les collègues dans l’association Libraires du Sud pour essayer de faire bouger une situation qui ne nous paraît plus acceptable. Nous voyons bien que le SLF porte des idées que nous partageons pour la plupart, mais nous avons l’impression qu’un cadre invisible empêche qu’elles soient entendues par certains de nos partenaires, et par le monde politique. Aujourd’hui tous les discours entendus pendant cette période expliquent l’importance de la librairie, de les ouvrir, de les soutenir, de les aimer pour sauver le livre et sa filière. Chiche ! Après avoir entamé une première démarche avec d’autres associations régionales de libraires dans laquelle nous appelions à un travail commun avec des éditeurs, nous sommes passés directement à l’étape d’après, interprofessionnelle, en acceptant bien volontiers que des éditeurs nous rejoignent pour écrire ce texte. Si nous avons des points de vue différents, nous regardons bien le même horizon.
Marie-Aube Ruault : Et nous avons en commun de faire des métiers de passion, dans lesquels la notion de choix est centrale ; la surproduction que nous dénonçons ne nous permet pas sereinement de faire les choix de titres à proposer à nos clients.
La crise que nous traversons, et qui affecte le domaine du livre comme beaucoup d’autres, a-t-elle servi de révélateur ?
Eric Dumas : En tout cas cette crise a permis de poser nos bagages, les cartons pour nous, et d’examiner ce circuit complètement à l’arrêt. La cruauté des chiffres a servi de révélateur. Alors même que ma librairie est en bonne santé et n’a jamais été déficitaire depuis sa reprise en 2008, j’ai pu observer qu’avec moins de deux mois d’arrêt ma situation théorique est celle de la cessation de paiement. Cessation de paiement évitée dans un premier temps par le report des échéances de la plupart de nos grands fournisseurs ; mais ce report était en fait nécessaire pour les librairies bien sûr mais au moins autant pour les distributeurs eux-mêmes, qui ne pouvaient se payer le luxe de mettre la quasi-totalité de leurs clients en cessation de paiement. En réalité, pour beaucoup d’entre nous ce sont les dispositifs publics (chômage partiel, prêt garanti par l’État, aide des collectivités locales…) et non la solidarité de la chaîne qui vont nous permettre de survivre et de passer la situation de l’urgence.
Marie-Aube Ruault : La Carline est une librairie en bonne santé et en développement constant depuis des années. Or, nous voilà obligés d’emprunter, non pour investir mais pour faire face à des difficultés de trésorerie uniquement liées à la fermeture. Pour certains de nos confrères, cela peut même entraîner une fermeture à moyen terme, alors que leurs compétences de libraire et de gestionnaire n’est pas en cause.
Benoît Virot : Un révélateur, et j’espère même un détonateur. Cette période a fait exploser ce qui se tramait souterrainement, caché par le flux continu d’activité. « La crise ? – Pas plus que d’habitude », dis-je de temps en temps au sujet du confinement. ll a fallu mettre la machine à l’arrêt pour prendre le temps, pour se rendre compte que les maux du système étaient récurrents : la production démente, la concentration sur quelques livres, la saisonnalité du calendrier, les illusions laissées aux auteurs promis en fait à l’abattage. Tout cela a été aiguisé et rendu visible par l’actualité, mais est valable tout le reste de l’année. Oui, un autre Livre est possible. Celui où l’on est maître de ses choix et de son rythme. Le choix, ça paraît évident pour l’éditeur, moins pour le libraire confronté chaque semaine à une offre démentielle, et à la panique de manquer d’un titre par rapport à la concurrence. Le rythme, en revanche, tous y contribuent. Le circuit est organisé par et pour la nouveauté. Le fonds n’a quasiment aucune place en France, sauf opération de remise en place pour un anniversaire ou la nouvelle charte graphique d’une collection. L’exemple anglais n’est pas forcément le meilleur, mais la prégnance des services graphiques et marketing permet au fond de bénéficier là-bas d’une animation permanente et très inventive en librairie (attention aux limites du modèle : je crois que l’espace des librairies s’y monnaye). Le confinement doit servir à retrouver le cœur de nos métiers : éditeur, libraire, le point commun est celui de choisir et d’accompagner un livre jusqu’à ses lecteurs. Il ne faut rien sacrifier de cette mission.
Comment avez-vous vécu cette période de confinement, comme libraire, comme éditeur ?
Eric Dumas : Une période un peu indescriptible parce qu’avant d’être libraire, j’ai été plus que jamais père, fils ou ami pour un temps d’inactivité que je n’avais pas eu depuis très longtemps. Comme libraire, cela a été un formidable temps d’échanges avec mes collègues, principalement parmi les Libraires du Sud. J’ai ressenti une confraternité bien plus forte qu’à aucun autre moment et elle a permis d’oser porter cette démarche. Et l’incroyable soutien quasi unanime aux libraires a aussi été très riche et précieux pour envisager l’avenir.
Marie-Aube Ruault : Nous avons décidé avec mes deux associés de rester entièrement fermés sans proposer de retrait ni livraison de commandes. Du coup, pour maintenir vivant le lien avec nos clients, nous avons proposé des rendez-vous très fréquents, sur notre site ou par notre newsletter, avec les gens des métiers du livre, des métiers de mots et d’images qui nous sont proches. Ça nous a permis de mesurer à quel point une librairie est aussi une communauté.
Benoît Virot : Au-delà du choc initial, j’ai beaucoup lu. Plus que ce que je ne fais en temps normal. Faute d’esprit, faute de temps. Sur le plan professionnel, on a surtout réagi : par réaction à quelques prestigieux services manuscrits, nous avons lancé un concours d’écriture ; par solidarité avec les camarades éditeurs, dont les livres étaient empêchés de paraître, nous avons tourné des lectures-partages ; par proximité avec nos lecteurs, nous avons tenu des journaux de travail ; et par urgence vitale avec les libraires et les collègues, nous avons parlé, échangé, pris des nouvelles, pour enfin susciter ce groupe de réflexion d’éditeurs indépendants, L’année zéro, qui nous amène aujourd’hui avec les libraires du Sud à faire des propositions concrètes pour l’avenir de la diffusion.
Dans un texte publié par notre quotidien d’idées, Bruno Latour nous invite a réfléchir, pour l’après, à ce à quoi nous tenons, et à ce dont nous pouvons nous défaire ? À quoi tenez-vous pour le livre ? Que faut-il oublier ?
Eric Dumas : À quoi je tiens pour le livre ? Au sens qu’il porte et au temps qu’il nécessite. Que faut-il oublier ? La dictature de la nouveauté. Très souvent, je ressemble davantage à un manutentionnaire qu’à un libraire.
Marie-Aube Ruault : Je trouve l’invitation de Bruno Latour particulièrement inspirante. Même si je souhaite y réfléchir plus largement en tant que citoyenne, il m’a semblé plus simple de partir de mon métier. Ce qui me semble vraiment incontournable, c’est de pouvoir choisir chaque livre qu’on va proposer à nos clients, et leur faire découvrir des titres peu médiatisés, des catalogues d’éditeurs exigeants, originaux, qui s’attachent à publier une œuvre plutôt que des produits de mode… et pour cela, il nous faut du temps, du temps et encore du temps ! Et de l’information de qualité, qui selon moi passe par les représentants des groupes de diffusion, avec lesquels on doit pouvoir entretenir des relations de confiance.
Benoît Virot : Au-delà des détails purement matériels qui font la joie de ce métier (le papier, la matière, le toucher, l’odeur), ce sont d’abord les liens que procure un texte qui m’y attachent : dans l’espace, entre contemporains, et dans le temps, entre générations. Le plaisir transgressif à être le premier lecteur d’un texte, la part festive qu’il y a à découvrir l’existence d’un titre qu’on ignorait, la nécessité de la transmission et du relais. Il y a des choses à oublier, mais la postérité s’en chargera.
Vous parlez dans votre manifeste commun de « chaîne du livre ». Est-ce vraiment la bonne métaphore, n’a t-on pas plutôt affaire à des tensions très grandes et des rapport de force impitoyables entre différents métiers ?
Eric Dumas : Le principe même de la chaîne est bien d’équilibrer les tensions et la métaphore peut continuer à me plaire ! Mais il faut bien dire qu’aujourd’hui, plutôt qu’une chaîne, je vois une corde qui soutient un pendu. Et les libraires jouent au pendu, avec un tout petit tabouret bien bancal sous les pieds. Une fois que le tabouret aura basculé, le pendu sera pendu. Fin de partie pour lui. La corde sera toujours bien là, solide, mais si elle ne sert plus à rien, inutile, elle sera vite décrochée.
Marie-Aube Ruault : Triste mais juste métaphore ! J’ajouterai que je me sens très proche des éditeurs indépendants, qui me semblent être avec nous au bout de la corde, avec aussi la plupart des auteurs (ça finit par faire du monde sur cette corde !). Je crois que la chaîne existe, et que comme toute chaîne elle ne tient que si tous les maillons tiennent, et que les maillons les plus faibles sont les auteurs et éditeurs d’un côté, et les libraires de l’autre.
Eric Dumas : Comme nous le disons, il faut arrêter l’hypocrisie de salon. Nous avons un problème avec la distribution qui se rémunère sur les flux, et qui entraîne tout le circuit dans cette spirale du flux : aller, retour, entreposage, tout est sujet à rémunération. Et la distribution de plus en plus concentrée est en position dominante économiquement puisqu’elle fixe elle-même sa rémunération à ses clients libraires ou éditeurs. Et, en plus, nous payons le prix fort pour une qualité de prestation médiocre. Certains de nos collègues de la région doivent attendre plus d’une semaine pour se voir livrer une commande, sans aucune réflexion apparente sur la durabilité de ce circuit. Quand certaines plateformes de vente en ligne s’engagent sur 48 heures alors qu’elles ont bien plus de références avec des formats et des nécessités de livraisons bien différentes ! Alors oui j’aime la métaphore de la chaîne, mais je ne veux pas être dupe de ce que cela recouvre…
Benoît Virot : Que ce soit sous l’angle comptable ou humain, on n’échappe pas au fait que tout le monde est lié. La complémentarité est absolue, Peut-être demain tel ou tel maillon s’affaiblira, mais aujourd’hui, effectivement, chacun ressent immédiatement les tensions de l’autre. Nous sommes tous aussi fragiles, et si je pensais récemment que l’éditeur était irremplaçable, le succès de l’auto-édition m’a prouvé le contraire. Le monde virtuel est insatiable. À compter du moment où l’on peut tout monétiser, la réalité est tout de même d’un poids très encombrant dans l’économie, non ? Oui, sans réaction collective, Amazon peut demain ou après-demain venir à bout du libraire de livres neufs comme de l’éditeur. J’aimerais bien que l’État s’en rende compte et en revienne à une vraie éducation au livre, une vraie politique du Livre, mais d’ici là, si l’on veut mourir sur scène et pas de dépit, c’est à nous de prendre le gouvernail et de réfléchir à la manière de ramener du public vers nos livres et dans nos librairies.
Comment impliquez-vous les auteurs et les traducteurs dans la chaîne du livre ?
Benoît Virot : Sont évoquées dans les pistes de travail le transparence des ventes de la part des éditeurs, et l’idée d’un fond de rémunération des auteurs en dédicace. Ils sont davantage cités dans les propositions concrètes que dans le manifeste lui-même, car ils sont le cœur du système et de la démarche, nous ne sommes finalement les uns et les autres que des intermédiaires. Mais de ces intermédiaires dépend la forme finale du texte, de l’ouvrage, et, hélas, une part de sa postérité.
Eric Dumas : Les traducteurs ne sont pas plus cités que les illustrateurs, scénaristes, dessinateurs ou coloristes pour la BD mais ils font partie pour moi de la création du livre, donc des mêmes problématiques que les auteurs. Je ne crois pas que défendre les intérêts de sa profession se fera au détriment des autres, et le rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée dans notre filière nécessitera de se poser la question du sens de chacune des fonctions. Et nous verrons alors qu’auteurs, éditeurs et libraires ont des intérêts communs. Et je crois, sans être sûr que ce constat soit aujourd’hui unanimement partagé, qu’à un moment il faudra oser poser la question du prix du livre qui baisse depuis les années 2000. La question est double : peut-on vraiment croire que la situation est tenable si la « part du gâteau » à se partager diminue ? Et, d’autre part, croit-on vraiment que le maintien du prix d’un livre à 4,95€ lui permet de se démarquer davantage qu’à 5,25€ ? Les économistes parlent d’élasticité-prix, il est temps de savoir vraiment ce qu’il en est pour ce bien qui n’est pas un bien de consommation classique.
Je rappelle que les libraires financent déjà directement une partie des revenus des auteurs en payant sur leur marge propre des ventes aux bibliothèques la contribution à la SOFIA, l’organisme qui collecte et redistribue le droit de prêt, les ressources totales étant également constituées de la contribution de l’État et reversées pour moitié aux auteurs et pour moitié aux éditeurs.
Je crois aussi que le récent rapport Racine est un document précieux pour réfléchir à la question du statut et de la rémunération des auteurs. Comme pour les sculpteurs, les peintres ou les graphistes, les créateurs ont une situation souvent bien plus compliquée que d’autres acteurs culturels comme les intermittents par exemple. Il me semble que les pouvoirs publics doivent prendre leur place dans cette réflexion… et dans le financement.
Dans ce manifeste vous évoquez quatre chantiers, quels sont-ils ?
Eric Dumas : Nous évoquons quatre grands défis qui se présentent face à nous : le développement des industriels de la vente en ligne, l’urgence des défis environnementaux, le besoin de liens directs entre partenaires de la chaîne du livre, une forte concentration chez les éditeurs et les distributeurs. Ce ne sont pas les seuls mais chacun de ces défis a été observé, mesuré, partagé et appelle à présent des réponses rapides. Il est temps de passer à des propositions plus concrètes pour avancer et sortir du constat de l’extrême danger qui menace notre filière tout entière.
Vous énumérez également dans ce texte quatre propositions. Examinons-les, en commençant par la première : une taxe sur le pilon. De quoi s’agit-il ?
Benoît Virot : Nous faisons partie du problème, répète un de mes confrères… mais nous faisons aussi partie de la solution. Chaque livre que publie un éditeur, chaque livre qui rentre chez un libraire, il l’a voulu. L’idée générale du texte est aussi de se responsabiliser, mais de le faire collectivement. Cette idée de taxe pilon est d’abord à visée pédagogique, pour interpeller directement les éditeurs. Elle part d’un constat d’échec terrible : le quart des livres imprimés chaque année finit au pilon, détruit. Si l’on considérait uniquement la nouveauté, ce pourcentage se rapprocherait du tiers. Au Nouvel Attila, pour prendre un exemple que je connais, j’imprime en moyenne deux fois mon espérance de vente. C’est-à-dire que sciemment, à seule fin d’être partout sur le territoire, de couvrir tous les besoins potentiels, je prends le risque de pilonner la moitié de mon tirage. Comme si je cuisais des légumes au bain-marie. Autrement dit, on imprime plus que les besoins, en vertu d’un système de diffusion-distribution peu habile à s’ajuster en amont aux exigences des clients (en aval, il sait très bien le faire, réagir et diffuser l’information sur le succès d’un ouvrage par exemple). Il y a peut-être une solution miracle pour éviter ce gâchis, on ne l’a pas encore trouvée. Au risque de me faire pincer très fort, j’en formulerais trois. Les Allemands annoncent leurs programmes un an à l’avance, ce qui permet aux représentants de s’en nourrir largement, aux libraires de mieux identifier les lignes des catalogues, et aux services de presse de circuler plus en profondeur (à mon sens, ça évite aussi de sortir trop de fast books, à peine édités, sortis pour combler un retard de trésorerie). Les possibilités de retours en librairie se sont assouplies au fur et à mesure de l’augmentation de la production, c’est ce qui amène depuis vingt ans le système au bord de l’explosion. On pourrait concevoir des livres « sans retour », soit les livres à faible rotation, qui nécessitent un engagement fort du libraire, et ne peuvent trouver leurs lecteurs que sur le long terme, parfois par une série de rencontres et de coïncidences ; soit les livres à gros potentiel, charge au libraire de faire attention à sa commande pour ne pas encombrer des flux qu’il sera le premier à payer. Mettons les choses au point tout de suite sur un dernier fantasme : il serait difficile et totalement contre-productif de se passer des diffuseurs. Mais peut être pourrait-on affiner les réseaux de librairies, et resserrer les tournées des représentants, qui partent aujourd’hui six fois par an visiter tous les coins de France et de Navarre pour réciter des catalogues pléthoriques que certains ont à peine eu le temps de s’approprier. Il faudra réfléchir aux outils de diffusion : les bases de données, les catalogues de commande, et le réseau même des librairies visitées, si peu nuancé aujourd’hui. Peut-être des labels de librairies indépendantes militantes pourraient travailler de manière plus directe ou plus connectée avec tels ou tels éditeurs.
Marie-Aube Ruault : Si les lecteurs savaient la part des livres retournés qui sont directement pilonnés, ils seraient effarés et choqués. Couplée à une prise en charge des frais de port des nouveautés par les distributeurs, une taxe sur le pilon pourrait les inciter à modérer enfin la production, et à mieux soigner les livres qu’ils publient : mieux choisir le tirage, la date de parution, le nombre de mises en place…
Deuxième proposition : un office régulier pour les livres de fonds de catalogue. Pourriez-vous expliquer de quoi il s’agit à ceux de vos clients et lecteurs qui sont peu au fait de l’économie du livre ?
Eric Dumas : Nous l’expliquons dans notre texte : 250 livres paraissent en moyenne chaque jour, du livre de cuisine jusqu’au traité de droit constitutionnel, en passant par des cahiers de vacances et par la littérature ou la bande dessinée. Pas possible de les connaître, et de les défendre. Imagine-t-on un autre commerce qui devrait choisir entre 250 nouveaux produits chaque jour. Impossible sans faire l’impasse, a priori, de catalogues entiers.
Marie-Aube Ruault : Ce qui veut dire inévitablement passer à côté de pépites éditoriales qu’on aurait pu défendre si on avait eu le temps de les choisir et de les lire pour les conseiller. Quant aux catalogues qu’on aime et qu’on veut soutenir, ceux qui font l’originalité de chaque librairie indépendante, il est difficile de les mettre en avant autant qu’on le voudrait, devant l’afflux constant de nouveautés. C’est pourquoi, on pourrait imaginer qu’à certaines périodes de l’année on ne publie pas de nouveautés, mais qu’on travaille sur les fonds des éditeurs qui dorment dans les entrepôts. Chaque librairie choisissant ses collections à mettre en avant pendant quelque temps, cela serait plus intéressant, plus varié, que les actuelles opérations commerciales proposées plusieurs fois par an par les diffuseurs et que l’on retrouve sur les mêmes tables d’une librairie à l’autre. Sans parler du gâchis de produits « d’aide à la vente » (les « PLV ») qui sont bien souvent livrés d’office, avec des « primes », et qui partent à la poubelle aussitôt. Ces pratiques inspirées de la grande distribution sont un contresens en librairie.
Benoît Virot : C’est la proposition plus simple et peut être, paradoxalement, la plus novatrice car elle crée une brèche dans le système de nouveautés à tout crin. Le système qui permet aux libraires d’être informés et approvisionnés en nouveautés, le jour de leur sortie, s’appelle l’office ; il est apparu au XIXe siècle pour permettre à des commerces de détail, souvent même pas des libraires, mais des merceries par exemple, de recevoir tant d’exemplaires de livres dont tout le monde parlait. C’est de cette grille d’offices qu’a découlé l’organisation de l’information et des commandes, jusqu’à alimenter aujourd’hui la plus grande partie des librairies. Les librairies qui souhaitent gérer leurs commandes en totale autonomie, sans l’intervention d’un VRP, sont rares, et bénéficient généralement de conditions commerciales moins favorables, puisqu’elles ne « jouent pas le jeu » de la nouveauté. Le diffuseur considère, à juste titre, quelles prennent moins de risque puisqu’elles ne commandent « que » ce qu’elles veulent. C’est souvent un moyen pour elles de vendre des titres de fonds, qu’elles maîtrisent en profondeur, indépendamment de la pression sur la presse.
Ce que nous suggérons pour relativiser la part de la nouveauté dans le circuit, et la logique d’intérêt absolu pour un texte qui vient de paraître, c’est l’espace d’une semaine, ou d’un mois, mêler, voire pour certains suspendre carrément la nouveauté, pour remettre en valeur des titres du catalogue. Cela n’aiderait pas à mieux vendre tous les titres passés à l’as, mais aurait une double vertu pédagogique : d’abord montrer ce qu’est un catalogue ; puis inciter chacun à refaire un tour du côté de l’histoire littéraire… Ce ne serait pas inutile pour affermir son jugement sur le dernier auteur à la mode, qui n’a pas toujours, malgré ce que le lecteur et parfois l’auteur lui-même croit, inventé le fil à couper le beurre.
La troisième proposition figurait au cœur des dernières Assises de la librairie à Marseille en juin dernier, et nous l’avions évoquée dans un entretien à AOC avec le président du syndicat des libraires, Xavier Moni, c’est l’idée d’une remise minimale pour les libraires…
Eric Dumas : Les libraires sont rémunérés par une remise qui leur est octroyée par leurs fournisseurs et qui est calculée à partir du prix de vente au public.
Marie-Aube Ruault : Cette remise est principalement calculée en fonction du chiffre d’affaires réalisé, ce qui veut dire que les très gros points de vente et les opérateurs de vente en ligne ont une marge plus importante, alors même qu’ils ont proportionnellement des frais de personnel moindres.
Eric Dumas : Différentes études ont montré que l’équilibre d’une librairie ne peut être atteint à moins de 36 % de remise. Nous en sommes encore bien loin malgré beaucoup de grands discours, pas mal d’efforts dispersés d’éditeurs et de distributeurs qu’il faut souligner, et malgré le travail constant du SLF dans ce sens.
Enfin, dernière proposition : un tarif postal unique. Ce n’est donc pas le cas aujourd’hui ?
Eric Dumas : Malheureusement non puisque les tarifs postaux sont négociés par les entreprises sur la base de la quantité de plis envoyés. Imaginez la différence de coût pour envoyer le même livre entre ma librairie et une plateforme qui en envoie plusieurs dizaines de milliers par jour. Il faut que pour le livre, quel que soit l’expéditeur, les frais d’envoi soient identiques, à tel poids correspond tel prix. Cela rééquilibrera la concurrence entre des vendeurs de livres et des libraires, et pourra même renflouer les caisses de notre entreprise publique.
Benoît Virot : J’ajouterais : un tarif « spécial » pour le livre, sur le modèle du tarif qui existe actuellement pour l’étranger. Aujourd’hui, cela coûte moins cher d’expédier un livre à New York ou à Grand Bassam, par le biais du sac postal, qu’à Strasbourg ou à Saint-Denis. 3 euros dans le premier cas, 4,60 dans le deuxième. Et plus le livre est gros, plus l’écart gonfle. Ce tarif a été créé au XXe siècle pour soutenir la diffusion de la culture française à l’étranger. Il me semble qu’on pourrait aussi soutenir la culture française à l’intérieur de nos frontières. Les éditeurs y trouveraient un avantage, en envoyant des « services de presse » (exemplaires des livres réservés à des festivals, des libraires ou des journalistes) à moindre frais pour soutenir la promotion de leurs ouvrages.
L’ensemble de ces propositions, et d’autres peut-être qui pourraient émerger de vos chantiers, appellent-elles la mise en œuvre d’une nouvelle loi pour le livre, une sorte d’acte II pour la loi Lang de 1981, qui avait instauré le prix unique ?
Eric Dumas : Toutes les mesures ne sont pas d’ordre législatif, je ne crois pas par exemple que les tarifs postaux soient une question législative mais plutôt réglementaire. Plusieurs questions fondamentales devront être réglées par la loi : celle de la suppression des rabais accordées aux collectivités [NDLR – les bibliothèques achètent leurs livres non scolaires aux librairies moyennant 9% de remise maximum] et aux particuliers (la loi sur le prix unique autorise une réduction maximale de 5%) ; celle de la remise minimale pour les librairies qui devrait être le pendant du prix unique de vente. Et mon rêve ultime, et ce serait un formidable symbole : que la remise maximale faite à des vendeurs de livres soit limitée à la remise minimale faite à un libraire. Une structure qui vend un livre comme il vend une tondeuse ou un sex-toy ne doit pas pouvoir être mieux rémunéré qu’un libraire qui défend le livre, la lecture, et le sens ! Ce serait en outre une formidable protection pour les éditeurs qui récupéreraient de précieux points de marge qu’ils ne peuvent négocier face à des monstres économiques qui leur fixent leurs conditions. Législateur et pouvoir réglementaire ont leur rôle à jouer. Ensuite, il y a des réformes structurelles à discuter entre nous pour redevenir des libraires et plus des vendeurs de produits culturels comme le dit notre classification INSEE.
Benoît Virot : Répondre à cette question, c’est mettre le feu aux poudres. Réfléchir au prix du livre, oui, à condition qu’il reste le même, à tout moment, pour tous les acteurs. Mais je ne ferais pas confiance au politique pour aménager la loi Lang sans le faire dans un sens libéral, là où l’on a besoin au contraire d’une réglementation et d’une égalité stricte entre les acteurs.
Vous n’évoquez pas le numérique. La période de confinement aurait pu être l’occasion en France de rattraper le retard certain que nous connaissons par rapport à d’autres pays. Au lieu de cela, on a vu de grands éditeurs de livres se comporter comme les éditeurs de grands journaux il y a vingt ans en cédant aux sirènes de la gratuité plutôt qu’en essayant de trouver le juste prix pour le numérique. Qu’en pensez-vous ?
Eric Dumas : À titre personnel, je n’ai rien contre le numérique, j’en suis un grand utilisateur, personnel et professionnel. En revanche, mon métier, celui que j’ai envie d’exercer, est le métier de libraire, celui qui vend des livres en papier. Les bouquinistes vendent des livres anciens ou d’occasion, ce n’est ni mieux ni moins bien que moi qui vends du livre neuf ; c’est un autre métier. Si certains veulent vendre du livre numérique qu’ils le fassent, ce n’est simplement pas ce que j’ai envie de faire.
Marie-Aube Ruault : Il y a quelques années, des collègues nous poussaient à vite s’équiper de bornes pour pouvoir vendre des livres numériques, pour ne pas laisser ce marché en expansion aux seules plateformes de vente en ligne. Depuis, le temps a passé, le marché stagne plutôt, et je n’ai toujours pas envie de vendre des « livres numériques » ; d’ailleurs il faudrait trouver un autre nom pour les désigner que celui de livre.
Eric Dumas : J’ai cependant une opinion, favoriser le numérique sera le premier pas posé vers la mise en place d’une chaîne qui n’aura plus que deux acteurs : auteurs et vendeurs en ligne. Pas sûr que ce soit un pari gagnant ni pour le lecteur qui sera submergé par un flot dans lequel le choix sera fait par des algorithmes, ni pour l’auteur qui sera bien seul face à un vendeur multinational qui fixera ses conditions de rémunération sans rien lui apporter du précieux métier d’éditeur.
Benoît Virot : Cette fin d’entretien doit petit à petit dégager un parfum de soufre car c’est encore une question polémique. La gratuité a été pour la collection « Tracts » de Gallimard, à laquelle vous faites sans doute allusion, un coup de pub pour faire connaître un principe de collection très récent et intéressant. Pour les autres, un moyen de se donner à bon compte une proximité avec le lecteurs. On blâme Bernard Fixot quand il propose de sortir des livres gratuits entièrement financés par la pub, mais Gallimard se jette sur la gratuité, suivi par mille de ses confrères. Dans les deux cas ce n’est pas très respectueux du libraire. Mais c’est quand même intéressant d’un point de vue commercial. Comment on fait pour aller débusquer le lecteur qui ne vient pas à vous en temps ordinaire ? C’est une vraie question.
Le numérique a cristallisé les enjeux d’une manière totalement irrationnelle depuis vingt ans, opposant d’un côté des politiques braqués sur la peur de rater l’enjeu du siècle en corrélant toutes leurs subventions à une part de numérique dans les projets, de l’autre des lobbies de grands groupes éditoriaux braqués en sens contraire comme s’ils allaient y perdre leur âme et leur lectorat, et fixant des prix totalement prohibitifs pour les livres numériques. Quelle insulte de vendre un ePub deux-tiers du prix du grand format, par rapport à la dose d’efforts dépensés dans ce dernier.
Le numérique ne méritait ni tant d’égards ni tant de haine. Il suffit de relire l’histoire du livre pour voir que la variation des supports est un invariant, que la tendance sera à la coexistence du papier et de l’écran, et que sauf pour les romans de genre, ce seront vraisemblablement les mêmes gros lecteurs qui abonderont aux deux. Maintenant, le poser sous un angle économique est intéressant, mais en tant qu’éditeur je préférerais qu’on promeuve la création par le numérique, et notamment en littérature, plutôt que le support pour lui-même, qui ne m’intéresse pas outre mesure.
Nous évoquions les journaux. Ce sont aussi des maillons de cette chaîne du livre. Comment les associer davantage ?
Benoît Virot : Vous mériteriez qu’on vous retourne la question (rire)… C’est incontestable que la presse rivée à la nouveauté, suppliant l’attachée de presse de lui donner la date exacte de sortie d’un livre pour être le premier (ou du moins pas le dernier) à parler d’un livre, fait partie de cette chaîne. J’irais même plus loin en disant qu’épousant le rythme des sorties en librairie (pas de suppléments livres l’été), elle maintient ce diktat de la nouveauté, avec cette tendance humaine et partagée par tous de se concentrer tous sur les mêmes livres (vous connaissez les noms de ces auteurs n’ayant rien produit d’intéressant depuis dix ans mais recueillant plus de presse à chaque livre.) « Le Masque et la Plume » a pour critère de ne parler que de livres qu’on peut aisément trouver dans toutes les librairies : la finesse du critère est tétanisante ! à cette aune, je m’étonne qu’ils n’aient pas encore parlé du catalogue Ikea.
Je ne suis pas là pour dire au journaliste comment il doit travailler, mais en tant qu’ancien journaliste j’ai quand même des idées. Varier les supports, varier les tons. Faire des articles de fond (plus d’une page). S’interroger un peu plus sur une comédie des prix dont ils ne sont pas dupes. Refaire de la critique négative, parler du style, ça n’arrive presque plus, ce serait bien aussi. S’intéresser un peu plus aux mécanismes économiques de la chaîne, pas seulement aux accords entre Bolloré et Lagardère (quoiqu’on n’ait pas vraiment étouffé sous les enquêtes sur le sujet !), mais aussi à celles qui rythment la vie des soutiers. Il nous manque sérieusement un Canard enchaîné du livre.
Eric Dumas : Pour nous, ils ne font pas partie de la même chaîne, même s’il y a des maisons de la presse-librairies, ce n’est pas le même métier. Nous n’avons pas les mêmes contraintes ni la même temporalité.
Marie-Aube Ruault : On pourrait parler des critiques de livres dans les journaux, qui concourent à renforcer la médiatisation d’un petit nombre d’auteurs « stars », au détriment de la découverte de nouveaux auteurs ou des titres plus anciens de ces stars.
La période de confinement et les mois qui viennent font aussi apparaître, en creux, combien les événements et festivals littéraires sont désormais importants pour assurer des revenus aux auteurs. Ces manifestations sont également essentielles pour les éditeurs et les libraires, comment là aussi les associer à votre démarche ?
Benoît Virot : Des revenus mais aussi des lecteurs ! La vitalité de cet échelon de la vie littéraire est telle qu’elle est très souvent le meilleur souvenir de l’auteur en tournée. Je pourrais spontanément citer des dizaines de festivals, en France mais aussi en Suisse ou en Belgique (et je viens d’en vivre un plus intense que tout autre à Kinshasa), dont la richesse et l’originalité sont telles qu’on aimerait y aller, même sans auteur invité. Ces festivals regorgent de formes associant le texte à la scène ou à l’oralité, et le faisant vivre avec la complicité – mais en dehors de l’enceinte physique – de la librairie. Ils sont un lieu de rencontre et de sociabilité rare, déjà entre auteurs eux-mêmes, puis entre les auteurs et le public. Certains ont déjà lancé en effet des résidences. Ils sont les plus à l’écart du calendrier traditionnel. Bien sûr, ils ont aussi besoin de faire venir du public en attirant l’attention par tel ou tel grand nom, et leurs invitations dépendent aussi du succès de tel ou tel, mais ils peuvent parfois arriver très en amont du succès d’un auteur. Si je ne devais en citer qu’un, justement car il n’a pas pignon sur rue, « Les Cafés littéraires de Montélimar » sont découvreurs ! Et chacune de leurs rencontres a lieu dans un café ou un restaurant de la ville, ce qui ne gâte rien au charme du voyage !
Marie-Aube Ruault : La plupart des libraires et associations qui proposent des rencontres et des festivals littéraires sont conscients de la précarité de la plupart des auteurs qu’ils invitent, et souhaitent qu’ils soient rémunérés pour leur travail de promotion. Mais ce n’est pas aux libraires, eux-mêmes précarisés par leur faible marge, de prendre cette charge à leur compte.
Eric Dumas : Président de Librairies du Sud, je sais bien l’importance de ces événements autour du livre. Tous ceux que nous organisons avec l’Association entraînent d’ailleurs une rémunération des auteurs reçus. Nous savons aussi la visibilité que cela donne au livre et à la lecture dans la région qui a la chance d’avoir, par exemple, les Correspondances de Manosque ou le Festival de Mouans-Sartoux. Je me souviens des toutes premières années des Correspondances où l’on pouvait monter dans le clocher de mon village écrire une lettre que je pouvais aller poster dans une énorme boîte aux lettres devant Saint-Sauveur à Manosque : la lecture et l’écriture à portée de tous ! Je crois qu’un axe de réflexion pourrait être de mieux associer encore les festivals avec les librairies des régions concernées, pas seulement celles de la ville concernée. On voit souvent débarquer pour un week-end des aréopages d’auteurs dans une ville pour un festival, qui arrivent le vendredi pour en repartir le dimanche soir ou le lundi matin avec le TGV. Autant de moyens et d’énergie pour seulement trois jours, n’est-ce pas dommage. Comment peut-on imaginer que les auteurs ne soient pas seulement les acteurs de ces festivals mais aussi présents un peu avant ou un peu après, pour que l’auteur de bandes dessinées n’aient pas fait que des dédicaces dans un stand mais qu’il ait aussi pu échanger avec des lecteurs sur son art ? Résidences d’auteurs, mutualisation de moyens entre associations régionales et festivals, soutien supplémentaire des éditeurs ou des collectivités si la manifestation irrigue un territoire bien plus large autour d’elle, il y a sûrement des modalités à inventer ou à renforcer. Une contagion culturelle. Ça nous changerait !