Projection du film Justin de Marseille de Maurice Tourneur, suivie d’une intervention de Marc Rosmini, professeur de philosophie, et Maître Christian Méjean.
Justin de Marseille, Maurice Tourneur, 1935
Sous ses airs de « bouffonnerie », pour reprendre le terme que son scénariste Carlo Rim utilisait à son propos, Justin de Marseille est une oeuvre qui questionne les codes de manière originale, et assez jubilatoire. Codes esthétiques tout d’abord : le film emprunte autant à la tradition du film de gangster qu’à la farce carnavalesque, au « réalisme poétique » qu’au documentaire. Hybride sur le plan stylistique, il est joyeusement iconoclaste dans sa manière d’aborder les problèmes éthiques. Est-il illégitime de dérober ses biens à un trafiquant de drogue ? Que signifie, pour un truand, avoir ou pas des « valeurs » ? Y a-t-il une manière « morale » de participer au crime organisé ? Et quel est le type de « vertus » que l’on peut apprécier chez un caïd ? Cette dernière question est subtilement posée par le film, qui interroge les deux sens du concept, auxquels correspondent les adjectifs « vertueux » et « virtuose ». Dans les délits qu’il commet, Justin se singularise à la fois par un talent particulier – notamment pour la mise en scène et la tromperie – mais aussi par une forme d’exigence axiologique qui le distingue d’Esposito, son concurrent direct. Maurice Tourneur interroge ainsi les différents aspects de l’idée de « beauté du geste », ainsi que la frontière parfois imprécise entre l’éthique et l’esthétique. Mais il est encore une autre frontière, encore plus troublante, que le film questionne : celle qui est censée séparer la « fiction » de la « réalité ». En effet, c’est grâce à la protection du célébrissime truand Paul Carbone que le tournage de Justin de Marseille put avoir lieu, ce qui confère au film une aura sulfureuse. Car si nous pouvons nous laisser aller, au cinéma, à apprécier la « vertu » de certains bandits, cette admiration peut-elle s’étendre aux vrais malfrats qui sévissent dans le monde réel ?
6,80 à 9,80 euros. Réservation conseillée.
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